Ondinnok a 40 ans: hommage au chemin parcouru
À l’aube des 40 ans d’Ondinnok, Dave Jenniss nous partage ses impressions sur le parcours de la compagnie et son implication en tant que directeur artistique depuis 2017. Toute l’équipe a bien hâte de vous annoncer les projets qui s’en viennent pour cet anniversaire, alors restez bien connecté·e·s!
En cette année 2025, Les Productions Ondinnok célèbrent 40 années de mémoire et de résistance. Fondée dans l’urgence d’une réappropriation culturelle, la compagnie est née de la nécessité vitale de reconstruire l’imaginaire autochtone à travers la scène, en écho aux voix ancestrales et aux aspirations contemporaines des Premières Nations.
Ondinnok incarne depuis 1985 une démarche artistique et spirituelle unique. Souvent en marge, Ondinnok est devenue le feu ardent de plusieurs générations grâce à une vision avant-gardiste. Sur les planches ou dans les divers lieux qu’elle a côtoyés, la compagnie a semé des gestes de guérison et une grande fierté identitaire. Elle a ouvert un chemin là où il n’y en avait pas encore, affirmant que le théâtre peut être un territoire de souveraineté, un lieu où les mémoires blessées reprennent force et où les visions se transmettent.
Souvent en marge, Ondinnok est devenue le feu ardent de plusieurs générations grâce à une vision avant-gardiste.

Dave Jenniss pendant l’événement «Mawessine | Uni.e.s POUR et PAR l’art autochtone » qui a eu lieu en 2021 pour les 35 ans d’Ondinnok
C’est avec humilité et une profonde reconnaissance que j’ai eu l’honneur de prendre la direction artistique d’Ondinnok en 2017. Ce passage a été pour moi un engagement, une responsabilité vivante, enracinée dans ma vision culturelle et poétique et un dialogue constant entre l’héritage de Yves Sioui Durand et Catherine Joncas. J’ai souhaité, pendant mes 8 années dans la compagnie, inscrire mon action dans la continuité de cette quête et cette recherche de pousser plus loin ce que l’on m’a enseigné. Mon parcours au sein d’Ondinnok a toujours été guidé par une nécessité intime: raconter nos récits, dans toute leur complexité, leur beauté et leur douleur, et en faire un espace de vérité, de transformation et de liberté pour les voix autochtones.
Certains projets m’ont particulièrement marqué, car ils ont cristallisé ce que je crois être le théâtre: un espace de mémoire, de transmission, de réconciliation et parfois de rupture.

Nicolas Gendron, interprète dans la pièce «Nmihtaqs Sqotewamqol / La cendre de ses os»
«Nmihtaqs Sqotewamqol / La cendre de ses os» a été une œuvre cruciale dans mon parcours. Avec ce projet, j’ai voulu explorer le deuil, non pas dans sa dimension personnelle, mais comme une perte collective: celle du territoire, de la langue et des ancêtres. Ce texte portait en lui une colère sourde, mais aussi une forte lumière d’espoir. Il m’a permis de plonger dans une dramaturgie plus incarnée, presque rituelle, où la scène devenait un espace de guérison.
Une brèche dans l’avenir: celle d’une génération qui ne sera pas seulement en quête d’identité, mais en pleine possession de sa parole.
Je suis aussi particulièrement fier d’avoir introduit le théâtre jeune public chez Ondinnok. Longtemps, nos récits ont été adressés aux adultes, souvent dans une logique de réparation ou de prise de parole. Mais j’ai senti qu’il fallait aussi parler aux plus jeunes, leur offrir des images, des récits et des symboles dans lesquels ils peuvent se reconnaître dès l’enfance. Notre camp artistique et culturel pour ados et jeunes adultes Anicinabek «Inabadan» s’inscrit dans cette démarche. Il ne s’agissait pas simplement de «faire du théâtre pour les jeunes», mais de bâtir un espace où ils·elles peuvent être auteur·trice·s, porteur·se·s de récits. Ce projet m’a profondément touché parce qu’il a ouvert une brèche dans l’avenir: celle d’une génération qui ne sera pas seulement en quête d’identité, mais en pleine possession de sa parole.

Dave Jenniss (à droite) avec l’un des jeunes du camp artistique «Inabadan» en 2022
Aujourd’hui, en regardant le chemin parcouru, je rends hommage à celles et ceux qui ont porté le terme «théâtre autochtone» à bout de bras quand il n’existait pas vraiment dans l’espace public, ou était à contre-courant, avec un amour infini pour l’art vivant. Je souhaite également remercier la compagnie de m’avoir donné l’opportunité de devenir le créateur que je suis aujourd’hui. Je ne pourrai jamais assez remercier les artistes, les artisan·e·s, les complices de cet extraordinaire voyage, les communautés et les spectateur·trice·s qui ont nourri et accompagné ce rêve, nos rêves, mais surtout mes rêves.

Dave Jenniss
Dave Jenniss est le directeur artistique des Productions Ondinnok