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Résidence SIQONI: un réveil printanier artistique par des voix autochtones

Il y a environ un an, ma collaboratrice Lorena Trigos Padilla m’a demandé d’être son mentor en écriture pour une résidence artistique en arts vivants organisée par la compagnie Ondinnok: SIQONI – L’éveil printanier. Habitué à donner des cours d’écriture de poésie, slam et rap, c’était pour moi une première opportunité d’effectuer du mentorat et j’ai accepté avec enthousiasme. Voilà une occasion unique de partager mon amour pour les mots et de commencer l’année avec un doux réveil printanier sous le signe des arts.

Lorena me parlait de son projet depuis plusieurs mois, alors qu’il avait germé dans un avion en revenant du Mexique suite au visionnement du reportage «Malinche : la mécanique d’une comédie musicale». Lorena, qui a une formation de scénographe à l’École Nationale de Théâtre du Canada ainsi qu’en confection et manipulation de masques et de marionnettes, souhaitait créer une pièce originale qui traite de ces diverses origines qui l’obligent à montrer des visages différents à la société. Elle voulait aussi mettre le doigt sur la vulnérabilité des femmes dans le monde qui persiste encore aujourd’hui, et aussi partager les enjeux de l’intersectionnalité de la condition féminine et de personne racisée.

Voilà une occasion unique de partager mon amour pour les mots, et de commencer l’année avec un doux réveil printanier sous le signe des arts.

Au commencement, alors que les germes se réveillent sous la neige

Au mois de mars 2024, alors que la résidence a commencé depuis quelques jours, je me présente dans les locaux des productions Ondinnok afin d’offrir un atelier d’écriture poétique. C’est là que je rencontre les membres de l’équipe d’Ondinnok et leur très bel espace ainsi que les sept artistes en résidence. Après avoir présenté mon parcours artistique, j’ai demandé à chacun·e des artistes de me parler d’elleux et de leur projet afin que j’appréhende leurs besoins, ainsi que leur conception de la poésie. J’ai été heureux de pouvoir découvrir les esquisses de ces projets si variés et authentiques. 

Nous avons ensuite exécuté différents exercices d’écriture et de lecture à voix haute. Cela a été un très beau moment de partage et j’ai été agréablement surpris que les artistes se livrent en exposant leur sincérité et leur vulnérabilité. Ma plus grande satisfaction, c’est qu’au début de l’atelier, un des artistes m’avait fait part de son désintérêt pour la poésie; or, après l’atelier, il m’a remercié de lui avoir redonné le goût pour cet art, et j’ai pu lui donner de nombreux contacts et conseils. Dans les jours qui ont suivi, nous avons partagé entre mentor·e·s et artistes pour offrir des solutions aux difficultés rencontrées dans chaque projet. Cela a été intéressant pour tout le monde de pouvoir profiter de plusieurs décennies d’expérience artistique accumulées.

Marina-Tzin, la traîtresse survivante

Dans les semaines qui ont suivi, Lorena a pu réserver l’espace Ondinnok afin d’avancer sur sa pièce. Nous avons beaucoup travaillé en trio avec la mentore Leticia Vera, qui s’est occupée de la partie danse et mouvements de la pièce; cela a été un travail collaboratif et humain extrêmement apprécié. De mon côté, j’ai prodigué des conseils d’écriture et d’expression orale à Lorena. Mon but n’était pas d’écrire la pièce à sa place ou de trop déteindre dans sa composition, mais je voulais qu’elle aille chercher en elle les mots ou les expressions qui lui sont propres et personnels. C’était un processus délicat, mais profondément enrichissant. Lorena s’est progressivement ouverte, elle a puisé dans ses souvenirs et ses émotions pour donner naissance à un texte vibrant d’authenticité. Chaque séance était ponctuée d’échanges constructifs, de moments de doute, mais aussi de belles révélations où les mots prenaient forme et vie. 

Nous avons partagé entre mentor.e.s et artistes pour offrir des solutions aux difficultés rencontrées dans chaque projet. Cela a été intéressant pour tout le monde de pouvoir profiter de plusieurs décennies d’expérience artistique accumulées.

Le travail avec Leticia sur la danse a également permis d’enrichir la mise en scène, créant une symbiose entre le mouvement et le verbe. Ensemble, nous avons réussi à construire un espace de création où Lorena a pu s’épanouir artistiquement tout en affirmant sa voix unique. J’ai également contribué à la création de la trame sonore de la pièce puisque je suis aussi compositeur musical. Cela a été un gros travail qui a nécessité beaucoup de temps, mais le résultat final en valait la chandelle.

Au fil des rencontres qui se tissent

Au début de la résidence, deux autres artistes, Marie-Hélène et Laurence, m’ont fait part de leur intérêt à recevoir du mentorat d’écriture pour leurs projets respectifs. Leur enthousiasme et leur curiosité m’ont immédiatement convaincu, et j’ai donc accepté de leur offrir mon soutien dans cette démarche créative. 

Marie-Hélène et Laurence avaient chacune un objectif précis: écrire un recueil de poèmes, mais leurs approches étaient différentes et très personnelles. Marie-Hélène souhaitait explorer des thématiques liées à la nature et au passage du temps, ou encore à son statut de mère, avec une écriture contemplative et imagée. De son côté, Laurence avait une démarche plus introspective; elle voulait aborder des sujets intimes tels que l’identité, la mémoire et les souvenirs familiaux, avec un style résolument plus fragmenté et moderne. Ces deux visions, bien que différentes, résonnaient chacune à leur manière. 

Mon rôle en tant que mentor était de les accompagner dans le développement de leurs idées, d’affiner leur langage poétique et d’offrir un regard critique et bienveillant sur leur travail. Il ne s’agissait pas seulement de technique, mais aussi de les aider à trouver leur voix et à traduire leurs intuitions en mots. Nous avons instauré plusieurs échanges, ponctués de séances de lecture, d’échanges et de réécriture. Ensemble, nous avons analysé des poèmes, travaillé sur des ébauches et exploré différentes façons d’aborder l’écriture poétique. Chaque séance était l’occasion d’évoluer, d’apprendre et d’expérimenter sans peur de se tromper. Cette expérience de mentorat a été pour moi tout aussi stimulante qu’elle l’a été pour elles. Travailler à leurs côtés m’a permis d’observer deux processus de création uniques et de constater l’évolution de leurs projets. Voir leurs recueils prendre forme, poème après poème, a été une grande source de satisfaction et de joie.

Chacune des œuvres a raconté une histoire singulière, portant la marque indélébile des sensibilités, des parcours et des luttes propres à chaque artiste.

La magie du projet SIQONI

Le 16 mai 2024 restera un moment fort de cette résidence artistique, un aboutissement à la fois émouvant et inspirant pour toutes les personnes impliquées. Ce jour-là, les artistes en résidence ont eu l’opportunité de présenter, devant un public attentif et curieux, les versions finalisées de leurs œuvres dans les locaux d’Ondinnok. Ce fut un privilège immense d’assister à ces représentations, où chaque projet, autrefois à l’état embryonnaire, prenait enfin vie sous nos yeux, vibrant de tout le travail, de l’engagement et de la passion investis durant les dernières semaines. L’espace s’est transformé pour accueillir ces créations uniques. Chacune des œuvres a raconté une histoire singulière, portant la marque indélébile des sensibilités, des parcours et des luttes propres à chaque artiste.

Lorena, avec sa pièce où se mêlent théâtre, danse et trame sonore, a su captiver l’audience par sa sincérité et la richesse de ses symboles. Voir son travail prendre forme sur scène, après des heures de recherche, d’écriture et de collaboration, fut un moment de fierté immense. La fluidité des mouvements chorégraphiés par Leticia Vera, alliée aux mots poignants de Lorena, donnait une nouvelle profondeur à son exploration de l’identité, de la vulnérabilité et de l’intersectionnalité. 

Marie-Hélène et Laurence ont, quant à elles, livré des lectures publiques de leurs recueils poétiques. Leurs voix, à la fois timides et puissantes, résonnaient dans la salle avec une émotion palpable. 

Chaque artiste de la résidence a offert, à sa manière, un morceau de son univers, témoignant d’une démarche sincère et d’une recherche artistique personnelle. Le public, visiblement touché, a répondu favorablement par des applaudissements nourris, des mots de reconnaissance et parfois de chaudes larmes. C’était un moment de communion où la création et la réception se rencontraient, prouvant une fois de plus le rôle essentiel des arts vivants comme vecteurs de dialogue, d’expression et de transformation. 

Cette présentation publique a été pour moi l’aboutissement d’un travail collectif profondément humain. C’est à la fois un point final pour cette résidence et le début d’une nouvelle étape pour ces artistes, qui repartent avec des projets accomplis et, j’en suis convaincu, des bases solides pour poursuivre leur démarche créative. Quant à moi, j’ai quitté cette journée avec un cœur rempli de gratitude, témoin privilégié de ce que la collaboration, le partage et l’authenticité peuvent accomplir dans un contexte artistique aussi fertile et bienveillant.

Une résidence à refaire, sans hésitation

Cette résidence restera pour moi une expérience marquante, riche de rencontres humaines et artistiques, de découvertes et d’échanges passionnants. Accompagner Lorena dans l’élaboration de sa pièce, collaborer avec Leticia et contribuer à la naissance de cette œuvre vivante et vibrante m’a permis de réaffirmer l’importance du travail collaboratif en création. L’opportunité de soutenir également Marie-Hélène et Laurence dans leurs projets poétiques a enrichi ma vision du mentorat et renforcé mon désir de partager mon amour des mots. 

Je repars de cette aventure avec un sentiment profond d’accomplissement, la fierté d’avoir contribué, même modestement, à l’éveil de nouvelles créations, et la conviction que les arts vivants demeurent essentiels pour exprimer, questionner et transformer notre rapport au monde.

Cette résidence a été un véritable espace d’épanouissement où chacun a pu, à sa manière, trouver sa voix et affiner son expression. Je repars de cette aventure avec un sentiment profond d’accomplissement, la fierté d’avoir contribué, même modestement, à l’éveil de nouvelles créations, et la conviction que les arts vivants demeurent essentiels pour exprimer, questionner et transformer notre rapport au monde.

Je tiens à remercier chaleureusement tous les membres de l’équipe d’Ondinnok pour leur ouverture, leur soutien, leur organisation sans faille et leur bienveillance, ainsi que toutes les personnes que j’ai pu croiser dans ce magnifique projet de résidence.

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Iman Ali-Leroi

Poète, enseignant, rappeur et slameur, Iman a été l'un des mentors lors du projet 'SIQONI - L'éveil printanier' à l'hiver et au printemps 2024

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