40 ans de théâtre autochtone, ça se célèbre en grand!
Je suis entrée en poste alors qu’Ondinnok se préparait à célébrer 35 ans de création et de résistance artistique. Pour l’occasion, la direction de la compagnie avait décidé de tenir une grande réflexion collective sur les enjeux qui façonnent l’avenir de l’art vivant autochtone. Écouter ces discussions fut un moment crucial de mon intégration à la direction générale de cette compagnie-phare. Certains des messages-clés ont d’ailleurs inspiré les choix que nous avons fait, Dave Jenniss et moi, pour marquer son 40e anniversaire avec intention et ambition.
Discussions au cours de l’événement Mawessine, en 2021
Nous croyons que ce qui nous relie au-delà de notre appartenance à une Nation, c’est le savoir qui nous a été transmis ou que nous avons appris, savoir que nous devons partager. (…) Nous apprenons les un·e·s des autres, par transmission. Les impératifs de la compétition, de la production, de la reconnaissance dans un monde qui n’est pas le nôtre ne devraient pas nous diviser et nous distraire des valeurs et des objectifs qui sont les nôtres.
– Extrait du bilan de Mawessine, 2021
Des projets d’envergure guidés par un esprit d’alliance et de partage
C’est dans cet esprit d’union et de partage que nous nous sommes alliés avec plusieurs artistes de diverses Premières Nations du Québec, ainsi qu’avec d’autres compagnies autochtones, pour créer deux projets d’envergure, auxquels se sont greffés d’autres grands partenaires.
Dans une perspective historique, il nous semblait important de présenter l’évolution de la compagnie pionnière – Ondinnok – à travers trois périodes charnières de création: le théâtre mythologique, le théâtre de guérison, puis un théâtre plus contemporain. Mais nous ne pouvions pas passer sous silence que le théâtre autochtone d’aujourd’hui foisonne. En effet, Ondinnok a ouvert la voie à toute une nouvelle génération d’artistes, dont certain·e·s ont maintenant formé leurs propres compagnies de création. Ces compagnies – Onishka, Menuentakuan et Production AUEN – nous ont généreusement donné accès à leurs archives pour qu’on puisse mettre en valeur leur travail, aux côtés de celui d’Ondinnok, dans une exposition publique relatant 40 ans de théâtre autochtone francophone, qui est maintenant située sur l’avenue Président-Kennedy et à l’Espace ONF, en plein cœur du Quartier des spectacles, jusqu’au 9 novembre 2025.
Le grand public a ainsi la chance de rencontrer toute la diversité d’artistes qui forment le tissu créatif autochtone de la scène théâtrale québécoise. Ce parcours photographique, pédagogique et musical leur permet de mieux comprendre comment a évolué l’histoire du théâtre autochtone francophone au Québec depuis la création de la première compagnie en 1985. Ce projet n’aurait pas été possible sans le minutieux travail de classification archivistique que nous avons effectué dans les deux dernières années.
Ondinnok a ouvert la voie à toute une nouvelle génération d’artistes, dont certain·e·s ont maintenant formé leurs propres compagnies de création.
Les costumes du Rabinal Achi, exposés à l’ONF jusqu’au 9 novembre 2025
Dès le début, le Partenariat du Quartier des Spectacles est embarqué dans l’aventure. Puis, le Ministère de la Culture et des Communications a soutenu le projet de commémoration. C’est donc avec une immense fierté que nous avons dévoilé cette exposition dès le 11 septembre 2025. Certains costumes emblématiques sont aussi exposés à l’Espace ONF, qui a décidé de marquer l’occasion avec la diffusion de leur court-métrage Salutations: Te’skennongweronne, qui porte sur la méthode de création ancestrale qu’Ondinnok s’est réappropriée à travers l’utilisation des masques. Enfin, une projection architecturale de l’artiste abénakise Mélanie O’Bomsawin anime le mur du Pavillon Président-Kennedy de l’UQAM en soirée.
Cela vaut aussi la peine de mentionner qu’un colloque intitulé Ondinnok a 40 ans: le wampum de la continuité portera sur le rôle qu’a joué notre compagnie dans la reconstruction et le rayonnement d’un théâtre autochtone qui est propre à ses mythes et ses valeurs ancestrales. Cette activité sera généreusement accueillie par le Musée McCord-Stewart du 22 au 24 octobre 2025. Cette fois-ci, c’est la communauté académique internationale qui s’unira pour examiner l’histoire de 40 ans de création artistique autochtone francophone sur nos scènes.
Visuel du CNA pour la production TUPQAN | Nos territoires intérieurs
Notre second projet a aussi été guidé par l’esprit du wampum. Ce symbole ancestral d’alliance et d’échange nous a incités à s’unir à Production AUEN et Menuentakuan pour la cocréation d’une œuvre ambitieuse, Tupqan | Nos territoires intérieurs. Celle-ci sera présentée d’abord au Théâtre autochtone du Centre National des Arts en novembre 2025, puis chez Duceppe en mars 2026. Ces deux institutions ont rapidement manifesté un intérêt à diffuser la pièce de même qu’à s’investir dans sa production. Avec cette initiative, les compagnies autochtones ne sont pas en compétition pour les mêmes financements. Au contraire, nous unissons nos forces créatives et nos ressources. En outre, la recherche et le développement de cette œuvre collective, réunissant de multiples artistes du monde théâtral autochtone, tant issus du milieu urbain que des communautés, a nécessité un investissement important du Fonds national de création du CNA, ainsi qu’un appui de la Fondation Cole.
Ondinnok a parcouru beaucoup de chemin dans l’ombre. En 2025-2026, nous voulons qu’elle soit mise sous les projecteurs!
Lumière sur Ondinnok et sur le développement du théâtre autochtone
Cela fait plusieurs années que nous planifions les événements autour des 40 ans de cette compagnie fondatrice. La programmation que nous avons montée répond aux objectifs stratégiques que nous nous sommes fixés. Ondinnok a parcouru beaucoup de chemin dans l’ombre. En 2025-2026, nous voulons qu’elle soit mise sous les projecteurs! La compagnie a développé une expertise monumentale et porte une mission essentielle dans le monde des arts. C’était important pour moi qu’elle soit mise en valeur et mieux connue du grand public.
Comme le dit souvent son cofondateur, Yves Sioui Durand, il a créé Ondinnok en 1985 en ne s’imaginant pas que la compagnie se rendrait à 40 ans. Il a commencé à faire du théâtre autochtone par nécessité de renouer avec ses propres valeurs traditionnelles en ne s’imaginant pas que cette forme d’art prendrait une telle ampleur 40 ans plus tard. Le livre qu’il a coécrit avec Catherine Joncas, Ondinnok Le désir secret de l’âme, est d’ailleurs paru aux éditions du passage le 4 septembre 2025, et est disponible dans toute bonne librairie. Sa lecture procure un regard intime et personnel sur le travail de reconstruction des arts vivants autochtones.
Ondinnok est une compagnie qui a traversé les décennies avec audace et vérité. Je crois sincèrement, comme tous ceux et celles qui nous ont appuyé·e·s dans nos démarches, qu’elle mérite d’être célébrée en grand!
Nathalie Delorme
Nathalie Delorme est la directrice générale des Productions Ondinnok